Présentation du préface et de l'ordre du jour annoté de la réunion de Bamako 1979 pour les lecteurs du site Bisharat!. Retourner à la page des Documents de base. Voir la version anglaise.


Langues africaines

 

Documents de la réunion d'experts

sur l'utilisation des langues africaines

régionales ou sous-régionales comme

véhicule de culture et moyens de communications

dans le continent

 

Bamako (Mali), 18-22 juin 1979

 

 

UNESCO

 


PREFACE

 

Pendant longtemps, la politique de promotion des langues africaines était confinée aux limites territoriales d'un Etat bien que, dans un très grand nombre de cas, ces langues débordent les frontières de plusieurs Etats.

 

L'objectif principal de la réunion dont nous avons le plaisir de présenter ici les actes était de contribuer à remédier à cette lacune en tentant à la fois d'identifier ces langues interafricaines et leurs statuts et de faire des suggestions quant aux modalités permettant de favoriser ou de renforcer la coopération entre les Etats intéressés à la promotion des langues qui leur sont communes.

 

Le présent ouvrage met à la disposition du public intéressé les documents réalisés à l'occasion de la réunion afin de lui permettre d'approfondir les débats engagés à Bamako, de préciser davantage les informations fournies par les experts et surtout de contribuer de façon concrète à la coordination des efforts en vue de la promotion des langues interafricaines de sa zone.

 

La première partie présente, d'une part, l'ordre du jour annoté proposé aux experts et, d'autre part, le rapport final de la réunion suivi de la liste et les adressés des participants.

 

La deuxième partie présente par ordre alphabétique des auteurs les communications faites à la réunion. [NB- Ces communications ne sont pas présentées sur le site web de Bisharat.]

 

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits contenus dans cet ouvrage et des opinions exprimées qui ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Unesco.


 

 

PREMIERE PARTIE

 

Réunion d'experts sur l'utilisation des langues africaines régionales ou sous-régionales

comme véhicule de culture et moyens de communications dans le continent

Bamako (Mali), 18-22 juin 1979

 

ORDRE DU JOUR ANNOTE

 

Convoquée par le Directeur général en application de la résolution no 4/01, paragraphe 4074, adoptée par la vingtième session de la Conférence générale, cette réunion d'experts est appelée à examiner les moyens de favoriser une coopération effective entre les Etats africains en vue de la promotion des langues africaines parlées dans deux ou plusieurs pays.

 

Etant donné le caractère pratique de l'objectif visé par la présente réunion, à savoir élaborer des programmes concrets de nature à favoriser la promotion effective des langues dans l'alphabétisation, l'enseignement scolaire, l'administration et la vie politique, seuls y ont été invités des experts directement engagés dans la recherche de terrain, dans l'enseignement, dans l'élaboration d'une politique linguistique ou dans la préparation et l'exécution de programmes opérationnels portant sur une ou plusieurs langues interafricaines.

 

Pour que les experts tiennent compte de la politique de l'Unesco en matière de langues africaines et des débats qui ont été engagés sur ce thème, les documents suivants leur ont été communiqués :

 

-          Plan décennal pour l'étude systématique de la tradition orale et la promotion des langues africaines comme véhicules de culture et instruments d'éducation permanente.

-          Rapport final de la réunion d'experts sur "La transcription et l'harmonisation des langues africaines", Niamey (Niger), 17-21 juillet 1978.

-          Rapport final du Colloque sur la coordination de la recherche linguistique en vue de son application à l'enseignement relatif aux langues africaines d'intercommunication régionale, Ouagadougou (Haute-Volta), 11-15 septembre 1978.

 

D'autres documents seront mis à la disposition des experts pendant les travaux de la réunion.

 

L'ordre du jour suivant est proposé

 

1.      Etendue géographique (nombre de pays) et nombre de locuteurs.

2.      Statut : utilisation uniquement comme langue parlée ou utilisation dans l'enseignement, l'alphabétisation, etc.

3.      Institutions menant des recherches sur cette langue : commission, académie ou département.

4.      Coopération entre les pays où ladite langue est utilisée.

5.      Programme coordonné de recherche et de publications.

 

Avant de dégager les grandes lignes d'une stratégie à adopter en vue de promouvoir les langues africaines communes à plusieurs pays, il importe de faire le point de la question. C'est sur ce plan que portait l'essentiel de la contribution demandée à chacun des spécialistes pressentis pour cette réunion. Les premières séances de travail pourraient donc être consacrées à la présentation résumée des communications préparées par les experts.

 

1. ETENDUE GEOGRAPHIQUE

 

La réunion de Niamey (1978) a mis en évidence l'importance des langues interafricaines, dégagé un certain nombre de points qui les caractérisent et dressé une liste provisoire desdites langues (Rapport final, p. 21-23). Au cours de leurs travaux, les experts réunis à Ouagadougou ont, à leur tour, tenté de préciser davantage les critères retenus à Niamey pour caractériser les langues interafricaines (Rapport final, p. 4 notamment).

 

On trouvera ci-dessous des extraits des rapports de Niamey et de Ouagadougou :

 

i) Langues interafricaines (réunion de Niamey)

 

a) Intérêt de ces langues :

 

Elles favorisent le développement des relations interafricaines et contribuent ainsi au renforcement de l'unité africaine.

 

Elles servent de langues pilotes pour toutes les autres langues du même groupe linguistique ou de la même zone géographique dans la mesure où les solutions adoptées pour ces langues peuvent être valables dans le cas des autres langues moins répandues.

 

Enfin, elles peuvent facilement bénéficier de l'appui des organismes internationaux dans le cadre des projets régionaux.

 

b) Critères possibles de définition des langues interafricaines

 

Etre communes à plusieurs Etats.

Avoir un grand nombre de locuteurs.

Bénéficier d'un statut privilégié dans certains Etats.

 

c) Liste provisoire des langues interafricaines

 

Afrique occidentale

 

Fulfulde (Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau, Guinée, Mali, Haute Volta, Niger, Nigéria, Cameroun, Bénin, etc.).

Hawsa (Niger, Nigeria, Soudan, Cameroun, etc.).

Kanuri (Nigeria, Niger, Tchad, Cameroun).

Mandingue (Mali, Sénégal, Guinée, Guinée-Bissau , Libéria, Gambie, Côte d'Ivoire, Haute-Volta).

Songhai-Zarma (Mali, Niger, Bénin).

Tamasheq (Mali, Niger, Algérie, Libye, Maroc).

Yoruba (Nigeria, Bénin, Togo).

Wolof (Sénégal, Gambie).

 

Afrique centrale et orientale

 

Ewondo-fang (Gabon, Guinée équatoriale, Cameroun).

Kikongo (Zaire, Angola, Congo, Gabon).

Kinyarwanda et Kirundi (Rwanda, Burundi).

Kiswahili (Tanzanie, Kenya, Zaire, Ouganda, Mozambique, Malawi, Comores, Somalie, etc.).

Lingala (Zaire, Congo).

Oromo (Ethiopie, Kenya, etc.).

Sango (République Centrafricaine, Tchad, Congo, Zaire, etc.).

Somali (Somalie, Kenya, Ethiopie, Djibouti).

 

Afrique australe

 

Tswana-Sotho (Botswana, Lesotho, Afrique du Sud).

Nguni-shosa-zulu-svati-ndebele (Afrique du Sud, Swaziland, Zimbabwe).

Shona (Zimbabwe, Mozambique).

 

ii) Langues interafricaines (réunion de Ouagadougou)

 

Avant d'analyser les problèmes, certains experts ont souligné la nécessité de bien définir ce qu'il faut entendre par "langue d'intercommunication régionale".

 

A ce propos, il a été rappelé qu'à la réunion de Niamey un certain nombre de critères (non exhaustifs) avaient été retenus, à savoir d'abord :

 

-          l'appartenance à deux ou plusieurs Etats,

-          le poids démographique,

-          le caractère multiethnique de la langue.

 

Certains participants ont proposé d'ajouter

 

-          l'étendue démographique couverte,

-          le degré et les domaines d'usage,

-          l'adaptation à la modernité,

-          le statut privilégié de la langue dans certains Etats,

-          le rôle historique et culturel.

 

Il a été également suggéré de rappeler qu'une langue peut présenter plusieurs niveaux d'utilisation ; ainsi, elle peut être

 

1)    une langue maternelle, parlée par un nombre plus ou moins grand de locuteurs et servant comme base de l'éducation et comme véhicule de culture ;

2)    une langue d'intercommunication

a)      au niveau local, dans des zones présentant une situation linguistique complexe, telle que la Casamance, en République du Sénégal ;

b)      au niveau national, comme le wolof au Sénégal ou l'amharique en Ethiopie, etc.

3)    une langue interafricaine

a)      au niveau régional et sous-régional ; c'est le cas d'une dizaine de langues parlées chacune par plus de 10 millions de locuteurs dans deux ou plusieurs Etats d'Afrique (exemple : manding, lingala)

b)      au niveau régional, mais présentant une vocation continentale, comme le hawsa, le kiswahili, parlés par plus de 20 millions de personnes.

 

Afin de poursuivre le travail amorcé à Niamey et à Ouagadougou, les experts sont invités à :

 

-        compléter si besoin en est la liste provisoire des langues interafricaines ;

-        indiquer, dans la mesure du possib le, le nombre de locuteurs de chaque langue interafricaine ainsi que le pourcentage de locuteurs par rapport à l'ensemble de la population de chaque pays.

 


2. STATUT

 

Selon les politiques linguistiques adoptées par les pays qu'elle couvre, une même langue interafricaine peut se trouver dans les situations suivantes. Elle peut être utilisée uniquement comme langue parlée. Elle peut se trouver à la phase de la description ou de la fixation des alphabets. Elle peut également être utilisée dans toutes les activités de la vie nationale. Dans certains cas, elle est utilisée dans l'enseignement primaire, dans l'alphabétisation et dans les émissions radiophoniques. Il arrive souvent que la politique adoptée pour une langue dans un Etat s'instaure de fait dans d'autres Etats où cette langue est également parlée sans qu'une décision politique ait été prise à cet effet par les autorités compétentes.

 

Les experts sont invités à faire le point de la question pour les langues interafricaines de leur compétence ou de la zone qu'ils connaissent le mieux. Ils pourront ainsi dégager la typologie des politiques adoptées pour chaque langue, son degré d'utilisation dans les différents Etats qu'elle couvre ainsi que l'importance des matériaux produits dans cette langue. Ils examineront également la position de la langue en question par rapport à d'autres langues en présence dans le pays où elle est utilisée. Elle peut être langue véhiculaire, majoritaire, à statut priviligié, minoritaire, etc. Son utilisation peut être restreinte à ses locuteurs d'origine ou s'être imposée à d'autres groupes. Ceci est surtout courant dans les milieux urbains où une seule langue africaine tend à s'imposer.

 

Par ailleurs, ils pourront identifier les obstacles qui, dans l'un ou l'autre Etat, auraient gêné ou, au contraire, favorisé la promotion des différentes langues interafricaines.

 

Ils feront également 'le point sur l'importance du matériau existant dans chaque pays sur la langue étudiée : matériau pédagogique, syllabaire, dictionnaire, oeuvres littéraires, textes administratifs, juridiques, politiques, journaux, revues, etc.

 

3. INSTITUTIONS MENANT DES RECHERCHES SUR CETTE LANGUE

 

Soucieux de recueillir des avis autorisés susceptibles de les aider en matière de politique linguistique, de nombreux Etats ont créé des commissions nationales de langues, des centres de recherches, des départements de linguistique ainsi que des académies.

 

Les experts sont invités à faire, pour chaque langue interafricaine, l'inventaire des infrastructures institutionnelles possédées par les différents pays. Ils recenseront également les infrastructures techniques existantes (imprimeries, équipements, etc.).

 

4. COOPERATION ENTRE LES PAYS OU LADITE LANGUE EST UTILISEE

 

De nombreuses réunions d'experts et d'importants travaux spécialisés ont, à plusieurs reprises, souligné le rôle irremplaçable de l'échange d'informations et d'expériences dans la promotion des langues africaines. Ceci est encore plus évident pour les langues de même famille et les mêmes langues parlées dans plusieurs pays. En effet, ce qui est expérimental dans un pays se trouve à un stade très avancé dans un autre. Une langue est minoritaire dans un pays alors qu'elle est majoritaire dans un autre. Plusieurs pays peuvent ainsi profiter de l'avance prise et des investissements effectués par un pays sur une langue qui leur est commune.

 

Compte tenu de leur connaissance du contexte dans lequel évolue chaque langue dans les différents pays concernés, les experts sont invités à examiner les relations existant entre les institutions des différents pays intéressés par la promotion d'une même langue. Il serait aussi intéressant de connaître le rôle joué par les institutions régionales ou sous-régionales dans la diffusion des informations.

 


5.   PROGRAMME COORDONNE DE RECHERCHE ET DE PUBLICATIONS

 

L'examen de ce point de l'ordre du jour pourrait se faire en deux temps.

 

a)   Elaboration d'un schéma global de coopération entre Etats en vue de la promotion des langues qui leur sont communes

 

A partir des informations recueillies au cours des exposés sur les points 1. à 4. de l'ordre du jour, informations se rapportant généralement à une même langue interafricaine ou à des langues interafricaines intéressant une zone particulière, les experts tenteront de dégager un schéma idéal pour une coopération en vue de la promotion des langues interafricaines à l'échelle du continent. Ce schéma procédera d'une analyse approfondie des différentes situations rencontrées en examinant les points 1. à 4., des carences, difficultés et circonstances favorables constatées ainsi que des échecs enregistrés. Les experts s'inspireront notamment des résultats et des recommandations des réunions de Niamey et de Ouagadougou.

 

b)   Elaboration d'un programme concret pour les langues interafricaines choisies

 

Alors que dans le cas précédent il s'agissait d'élaborer un modèle presque théorique, ici les experts sont invités à élaborer un programme aussi concret que possible et capable de fournir une stratégie commune aux différents pays intéressés par la promotion d'une langue qui leur est commune. Dans leurs travaux, les experts tiendront nécessairement compte des situations particulières à chaque langue interafricaine étudiée. Il s'agit, entre autres, du nombre de pays concernés, des politiques linguistiques adoptées par chaque pays, du statut de ladite langue dans chacun des pays, de l'existence des infrastructures institutionnelles et techniques, de la coopération existant entre les différents pays concernés, etc. Ils tiendront également compte du climat-favorable et des obstacles rencontrés par chaque langue au niveau de chaque pays et au niveau des différents pays intéressés.

 

Il y a lieu de rappeler aux experts les idées suivantes, qu'ils ne devront pas perdre de vue tout au long de leurs travaux :

 

i)    Consacrer une réunion aux langues communes à plusieurs Etats ne signifie nullement que l'on considère comme négligeables les langues limitées à l'intérieur d'un même Etat. Il reste entendu que chaque langue et chaque culture doivent être promues.

 

ii)   Les langues sont toujours considérées sous leur double aspect de moyens de communication et de véhicules de culture. Dans ce sens, promouvoir une langue revient à favoriser, d'une part, la communication entre les peuples qui la parlent et, d'autre part, l'épanouissement culturel de ces mêmes peuples.

 

 


Nos rémerciements à Aboubacar Mahamane du CELHTO à Niamey, pour nous aider à obtenir une copie de Langues africaines : Documents de la réunion d'experts sur l'utilisation des langues africaines régionales ou sous-régionales comme véhicule de culture et moyens de communications dans le continent, Bamako (Mali), 18-22 juin 1979, Paris: UNESCO, 1981, dont on reproduit des sections ici. Mise en page par DZO.

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