Présentation du Plan d'Action Linguistique de l'OUA (1986) pour les lecteurs du site Bisharat!. Retourner à la page des Documents de base.
ORGANISATION OF AFRICAN UNITY/ORGANISATION DE L'UNlTE AFRICAINE
PLAN D'ACTION LINGUISTIQUE POUR L'AFRIQUE
PREAMBULE
Nous, Chefs d'État et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine, réunis en la 22e Session Ordinaire à Addis Abeba, du 28 au 30 juillet 1986
GUIDES PAR
CONVAINCUS
que la langue est l'expression de la culture d'un peuple et convaincus en outre que, conformément aux dispositions de la charte culturelle de l'Afrique, l'émancipation culturelle des peuples africains et l'accélération de leur développement économique et social ne seront possibles que si les langues africaines sont effectivement utilisées ;
CONVAINCUS
que tout comme dans d'autres domaines de la vie nationale, l'Afrique a besoin d'affirmer son indépendance et son identité sur le plan linguistique ;
CONSCIENTS
que jusqu'à maintenant, la plupart des Etats membres n’ont pas pris les mesures nécessaires pour donner à leurs langues autochtones, leur rôle officiel légitime conformément à la Charte Culturelle de l'Afrique, au plan d'action de Lagos et à d'autres résolutions pertinentes de l'Organisation de l'Unité Africaine ;
RECONNAISSANT
que chaque Etat souverain a le droit d'élaborer une politique linguistique qui reflète les réalités socio-économiques de son pays, et qui soit conforme aux besoins et aux aspirations de son peuple ;
CONVAINCUS
que l'adoption et la promotion pratique des langues africaines comme principales langues officielles de l'Etat dépendent surtout de la volonté politique et de la détermination de chaque Etat souverain ;
CONVAINCUS
que l'adoption et la promotion pratique des langues officielles de l'Etat ont certainement plus d'avantage que l'utilisation des langues étrangères et qu'elles démocratisent aussi les processus d'éducation formelle et la participation des populations africaines aux activités politiques culturelles et économiques de leur pays ;
CONSCIENTS
que l'analphabétisme est un frein au développement économique, culturel et social des pays africains et qu'une alphabétisation de masse ne peut bien réussir sans l'utilisation de langues nationales
CONSCIENTS
de l'interaction et de l'interdépendance croissantes à tous les niveaux de l'activité humaine et de la solidarité entre les hommes et du fait que la communication de l'Afrique avec le monde extérieur est inévitable et doit se traduire par l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique linguistique au niveau de chaque Etat souverain ;
CONVAINCUS
que la promotion des langues africaines, surtout celles qui dépassent les frontières nationales est un facteur vital dans la réalisation de l'unité africaine ;
RECONAISSANT
qu'en Afrique, la coexistence de plusieurs langues dans presque tous les pays africains est une réalité et que le multilinguisme (maîtrise et l'utilisation de plusieurs langues par une personne dans ses relations avec autrui) est également un fait social important qui devrait inciter les Etats membres à accorder à promotion du multilinguisme une attention particulière dans l'élaboration de leur politique linguistique ;
SOMMES CONVENUS d'adopter le présent Plan d'Action Linguistique pour Afrique.
TITRE I
OBJECTIFS ET PRINCIPES
Les objectifs et principes du présent Plan d'Action Linguistique pour l'Afrique sont :
a) Encourager chaque Etat membre à avoir une politique linguistique bien définie ;
b) Veiller à ce que toutes les langues utilisées à l'intérieur des Etats membres soient reconnues et acceptées comme source d'enrichissement culturel mutuel ;
c) Libérer les peuples africains de leur dépendance excessive vis-à-vis des langues étrangères comme principales langues officielles de leur pays en remplaçant progressivement ces langues par langues africaines locales judicieusement choisies ;
d) Veiller à ce que les langues africaines, grâce à une législation appropriée et à une promotion pratique, assume leur rôle légitime comme moyens de communication officielle dans les affaires publiques de chaque Etat membre pour remplacer les langues européennes qui ont jusqu'ici ce rôle ;
e) Encourager une plus grande utilisation des langues africaines comme véhicules d'instruction à tous les niveaux ;
f) Veiller à ce que tous les secteurs du système politique et socio-économique de chaque état membres soient mobilisés pour leur permettre de jouer leur rôle et s'assurer que les langues africaines choisies comme langues officielles occupent le plus tôt possible la place qui leur revient ;
g) Encourager et promouvoir l'unité linguistique nationale, régionale et continentale en Afrique dans le cadre du multilinguisme qui prévaut dans la plupart des pays africains.
TITRE II
PRIORITES
a) FORMULATION DE POLITIQUE
Au niveau national, et continental, choisir dans les meilleurs délais un
certain nombre de langues africaines autochtones nationales, régionales ou
continentales viables comme langues officielles de l'état, de groupements
régionaux ou de l'OUA.
b) APPLICATION ET PROMOTION
Application de la politique linguistique adoptée et incorporation des langues
africaines officielles dans la vie politique sociale, culturelle et économique de
la nation.
c) MODERNISATION
Modernisation éventuelle, par tous les moyens nécessaires des langues africaines
locales choisies comme langues officielles.
d) MOBILISATION DES RESSOURCES
Mobilisation des ressources financières et autres et de toutes les institutions
compétences en vue de la promotion pratique des langues officielles choisies.
TITRE Ill
PROGRAMMES D'ACTION (METHODES, MOYENS)
Pour atteindre les objectifs définis au Titre I, les Etats africains s'engagent solennellement à exécuter le programme d'action suivant :
a) Au niveau continental et comme expression concrète de la volonté de l'OUA dans ce domaine, adoption le plus tôt possible des langues africaines comme langues de travail par l'Organisation de l'Unité Africaine et par les associations, organisations ou institutions régionales affiliées à l'OUA.
b) Encourager les associations, les organisations ou les institutions qui ont le statut d'observateur auprès de l'Organisation de l'Unité Africaine ou celles qui le demandent à adopter les langues africaines locales comme langues de travail.
c) Au niveau régional, adoption par les groupements régionaux des langues africaines régionales viables comme langues officielles ou comme langues de travail.
d) Au niveau national, nécessité impérieuse pour chaque état membre d'élaborer le plus tôt possible une politique linguistique qui place une ou plusieurs langues africaines locales largement utilisées, au centre du développement socio-économique.
e) Pour atteindre l'objectif défini à l'alinéa (d) nécessité pour chaque Etat membre de créer, s'il n'y en a pas, un comité linguistique national ou le renforcer s'il en existe déjà et ce pour permettre l'élaboration d'une politique linguistique nationale appropriée.
f) Nécessité pour chaque Etat membre de donner une importance capitale à l'élaboration d'une politique linguistique appropriée en accordant les moyens financiers et matériels nécessaires, afin de rehausser la ou les langues choisies comme langues officielles à un niveau de modernisation qui réponde aux exigences d'un état moderne.
g) Compte tenu de l'attitude négative généralement observée en Afrique vis-à-vis des langues africaines, il est indispensable que chaque état membre, dans le cadre de son programme national de promotion des langues africaines choisies comme langues officielles, mène une campagne systématique d'éducation ou de re-éducation de sa population sur l'utilité inhérente ou pratique des langues africaines pour combattre une telle attitude.
h) Etant donné que le système d'éducation formelle joue un rôle primordial dans l'utilisation pratique de toute langue, il est indispensable que chaque état membre oriente tous les secteurs (primaire, secondaire et supérieur)de son système d'éducation nationale vers la promotion pratique des langues africaines choisies comme langues officielles et que soient réformés les systèmes d'éducation.
i) Comme les universités, les instituts de recherche et les autres instituts africains qui s'intéressent à l'étude et à la promotion des langues africaines ont un rôle unique à jouer pour ces langues entrent dans la vie quotidienne des peuples d'Afrique, il est nécessaire que ces instituts établissent un équilibre approprié à l'avenir entre l'étude scientifique des langues africaines et l'utilisation réelle et la promotion pratique de ces langues.
j) Conforment à l'alinéa (i) ci-dessus, il est nécessaire que chaque Etat membre fasse de ses universités et institutions nationales un instrument vital de promotion pratique des langues africaines dans les domaines critiques tels que la compilation de dictionnaires techniques ou généraux, la préparation de manuels sur des sujets d'intérêt, la formation des professeurs de langues, de traducteurs, d'interprètes, de personnel de la radio-télévision et de journalistes, la production de manuels et d'autres types de littérature qui intéressenet la vie de l'africain contemporain ainsi que l'utilisation de vocabulaires dans les langues africaines.
k) Etant donné que toute connaissance (spécifique ou autre) se transmet par un véhicule d'instruction ou de communication qui est une langue connue de l'élève, il est absolument nécessaire pour chaque Etat membre d'adopter dans sa politique d'éducation, comme moyens ou véhicules d'instruction, les langues africaines locales qui facilitent le processus d'apprentissage.
l) Etant donné le rôle particulièrement stratégique que joue dans le développement économique d'un pays l'alphabétisation de l'ensemble de la population nationale, et reconnaissant en outre que l’alphabétisation sera largement facilitée et accélérée si les langues familières à la population nationale sont utilisées, il est recommandé aux Etats membres d'utiliser dans leurs campagnes d'alphabétisation les langues africaines autochtones comme véhicules d'instruction.
Source: Bulletin spécial de l'Académie africaine des langues (ACALAN) de janvier 2002 (pages 19-21). Nos rémerciements à Mme. Danielle Bouhajeb, Responsable du Cifdi au Centre de documentation et d'information de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, pour nous fournir une copie de ce document. Merci aussi à Abdoulaye Arzika pour le saisir. Mise en page par DZO.
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